Zao

Wou-ki

1920-2013

Zao Wou-Ki, l’un des plus illustres représentants de l’abstraction lyrique est aussi un symbole culturel fort pour la Chine. Porté par une demande asiatique boulimique, ses prix s’envolent, si bien que 35 enchères millionnaires ont été enregistrées sur la seule année 2013 et plus de 20 depuis le début de l’année 2014.

Né en 1920 à Pékin dans une famille d’intellectuels, ZAO Wou-ki descend de la Dynastie Song. Il intègre l’École des beaux-arts de Hangzhou en 1935 ou il étudie durant six ans les techniques de peinture occidentales et chinoises.

Après une première exposition personnelle à Shanghaï en 1947, l’artiste décide de s’installer à Paris. Il fréquente alors l’atelier d’Emile Othon Friesz à l’académie de la Grande-Chaumière, ainsi que l’école des Beaux-Arts. Ayant eu vent de l’importance de Montparnasse dans l’émulation artistique parisienne, il décide de s’y installer et côtoie Sam Francis, Jean-Paul Riopelle, Pierre Soulages, Hans Hartung, Alberto Giacometti, Maria Elena Vieira da Silva. Un tournant radical s’opère en 1951, année où il découvre à Berne l’oeuvre de Paul Klee, s’en émerveille et trouve sa voie vers l’abstraction.

Son oeuvre glisse alors vers l’affrontement de couleurs et de lumières intenses et vibrantes, pour ouvrir sur l’expérience visuelle pure. Dans ses grands formats à l’huile ou dans ses petites estampes, l’art de Zao Wou-Ki a déployé des abstractions vivantes, espaces vastes ouvrants sur des immensités. Sa double culture occidentale et chinoise, admirablement synthétisée dans son oeuvre, lui réserve une place particulière parmi les artistes contemporains.

Après avoir gagné ses lettres de noblesse sur les scènes culturelles européennes, et notamment en France ou il fut honoré d’un grand nombre de prix et de distinctions, son oeuvre impose petit à petit sa majesté an Asie, et d’abord à Pékin au début des années 80. Il faut néanmoins attendre les années 2000 et l’explosion du marché chinois pour que les prix flambent. En 1986, l’artiste est admiré et reconnu en France. Il a d’ailleurs été promu officier de la Légion d’Honneur sur proposition du ministre de la Culture en 1984 et est déjà collectionné par quelques initiés.

Avec l’ouverture de la Chine dans les années 80, l’émergence des collectionneurs et des artistes chinois d’avant-garde sur la scène culturelle comme sur le marché de l’art, l’art de Zao Wou Ki – considéré comme déviant avec le début des années 80 – s’érige alors en symbole, celui d’une synthèse réussie, puissante et poétique, entre des traditions chinoises et européennes.

En 1983, le ministère de la Culture chinois organise sa première exposition en Chine depuis son départ en 1948. Elle se tient conjointement au Musée National de Pékin et dans son ancienne école, devenue la Zhejiang Academy of Fine Arts. Quelques marchands et collectionneurs se manifestent déjà en Asie mais il faut attendre 15 ans de plus pour que l’artiste s’impose en salle de ventes.

Un réel tournant s’opère dans les années 2000 alors que la vitalité économique chinoise, l’engouement des collectionneurs et l’activité effrénée des investisseurs propulsent Zao Wou-Ki sur le marché haut de gamme des enchères. L’artiste devient une valeur refuge que l’on se dispute de part et d’autre du planisphère. Les prix flambent, jusqu’à afficher un indice en hausse de 620 % sur la décennie (2003- 2013), Les toiles de Zao ont en effet déchainé les ventes au cours de l’année 2013, dont quatre entre 8 et 12,4 m$, décrochés en octobre et décembre, à Hong-Kong et Pékin.

L’art du multiple

C’est à la fin des années 40 et au début des années 50 que se constitue le terreau de son oeuvre multiple. Il découvre tout d’abord la technique de la lithographie chez l’imprimeur Desjobert en 1949, puis Henri

Michaux écrit spontanément huit poèmes pour orner huit de ses lithographies. Cette technique s’impose également pour illustrer l’oeuvre de ses amis René Char, André Malraux, Claude Roy… Enfin, la découverte de l’oeuvre de Paul Klee lui donne un nouveau souffle.

Cette forme exigeante de travail est de plus en plus recherchée, d’autant que l’envolée du prix des oeuvres uniques fait naturellement grimper celui des multiples. On s’arrache les eaux fortes historiques et colorées notamment rouges et orangées (cf notre oeuvre), feuilles rares et subtiles produites en petite série. Le marché du multiple est dense et international ce qui conduit certaines eaux fortes des années 50 ou 70 à s’arracher jusque 50 000 euros (Canto pisan 1/29, daté 1972 le 30 mai 2013)

L’artiste s’est éteint le 9 avril 2013 à Nyon (Suisse), à la suite d’une longue maladie. La bataille judiciaire autour de son héritage et la rareté des oeuvres passant en vente ne font que renforcer sa côte.