Albert

Marquet

1875-1947

La peinture de paysage est un genre auquel se sont exercés de nombreux artistes manifestant la volonté de consacrer un motif donné. Albert Marquet, né en 1875 et disparu en 1947, s’est beaucoup adonné au voyage dans la première partie de sa vie, voyages qui lui ont fait découvrir des paysages du monde entier et qui lui ont permis de les rendre en peinture.  

Il sillonne d’abord le littoral français (Bordeaux, Marseille, le Midi ou encore la Normandie), où il peint la mer pour la première fois et en ressort des vues de ports et de plages. Il s’exerce également à la peinture de l’eau en peignant la Seine près des monuments de la cathédrale Notre Dame et du Pont Neuf, tous deux non loin de son domicile parisien de la Rue Dauphine. Ses voyages le conduisent par la suite plus loin en Europe, en Allemagne, en Angleterre, ou encore en Italie.   

C’est en 1920 qu’il découvre l’Afrique du Nord, et notamment, après de premières excursions au Maroc et en Tunisie, l’Algérie, où il part depuis le port de Marseille, et où il retourne du milieu de sa carrière jusqu’à la fin de sa vie. Marié à Marcelle Martinet, une femme pied-noir née en Algérie, il a dès lors de fortes attaches personnelles en ce pays.  

Notre huile sur toile, datée de 1924, s’inscrit dans ce contexte. Elle représente la baie d’Alger, dans les hauteurs de la ville, et est décrite dans son titre comme une « vue générale ». Il s’agit en effet d’un cadrage incluant plusieurs éléments de paysage, du sentier cerné de végétation jouxtant une maison, à la ville d’Alger en second plan, et jusqu’à la mer Méditerranée dans le fond de la toile. La composition est dès lors coupée en deux parties : les teintes vert foncé des cyprès du premier plan épousent harmonieusement le rouge ocre du toit de tuiles de la maison, alors que dans la partie supérieure, les scintillements rose pâle de la ville se reflètent dans le bleu clair de l’eau.  

C’est toute l’élégance de son agencement chromatique qui parachève d’installer l’atmosphère paisible de cette œuvre. La cohabitation et le dialogue des différentes couleurs sont rendus possibles par le cloisonnisme des formes, parfois vaporeuses, dont les contours appuyés irriguent les tonalités de la composition les unes vers les autres. Sa gestion des couleurs se situerait entre le postimpressionnisme et le fauvisme, dont Marquet est proche en début de carrière.
Le point de vue sélectionné par l’artiste serait celui d’un randonneur empruntant le sentier que l’on aperçoit en bas à gauche, ou depuis une maison dans les hauteurs, du genre de celle visible dans la partie inférieure droite de l’œuvre. Son ambiance reposante est significative de la villégiature de l’entre-deux guerres, loin de Paris et de ses années folles, avant la crise de 1929 et la Seconde Guerre Mondiale.  

Les variations météorologiques, déjà consacrées par des peintres comme Claude Monet, sont chez Marquet remplacées par des variations géographiques. Plutôt que de peindre une série de peintures de la cathédrale de Rouen, il exécute plusieurs peintures de différents paysages, comme le port de Marseille, le port d’Alger, ou ici, la baie d’Alger. Ces vues sont déterminées par les déplacements du peintre, qui se stabilise autour d’Alger dans les dernières années de sa vie, et notamment pendant la Seconde Guerre Mondiale, où il s’y cache avec son épouse pour se protéger de la guerre. Sujet à de récurrentes crises grippales, l’Algérie est également son lieu de villégiature de préférence pour les hivers, plus froids en Europe, qui mettent en danger sa santé fragile. 

Proche de Matisse alors qu’il était étudiant, Marquet connaît de son vivant une certaine fortune, contrairement à d’autres artistes fauves lui étant contemporains. Il est exposé en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon, ainsi qu’à la Biennale de Venise pendant sa carrière. Son travail intègre après sa disparition des collections muséales, et fait l’objet d’un travail de recherche et de réflexion.  Ses œuvres sont aujourd’hui collectionnées par le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, le Centre Georges Pompidou, le Metropolitan Museum of Art de New York, le Musée de l’Ermitage de St-Petersburg, ou encore l’Art Institute de Chicago.