Edward

Matuszczak

1906-1965

Edward Matuszczak, né en 1906 à Tymbark et mort en 1965 à Paris est un peintre polonais actif en France à partir de 1934.
Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie auprès de Wladimir Jarockiego, Wojciech Weiss et Frédéric Pautsch, l’artiste polonais expose plusieurs fois son travail de manière temporaire dans le courant d’artistes polonais appelé « Sztuka (« L’Art »). Il arrive à Paris en 1934 où il continue de poursuivre son travail dans l’atelier de Joseph Pankiewicz. Si l’artiste ne retournera pas en Pologne, c’est en Europe qu’il entame un voyage pour parfaire son esthétique. Il s’installe notamment à Rome où il travaille aux côtés de Joseph Jaremy. Matuszczak vécut aussi temporairement en Israël où il produit beaucoup de tableaux fortement imprégnés de l’atmosphère du pays si bien qu’on le considéra quelques fois comme un peintre polono-Israélien. En France, il fut intégré dans le courant appelé « La Réalité Nouvelle » et exposa notamment dans les galeries parisiennes de Léonce Rosenberg et chez Hélène Pillement à la Galerie Hautefeuille.
Les deux compositions à la gouache que nous présentons révèlent un esprit original en quête d’inventivité constante et d’un vocabulaire propre tout en étant fortement imprégné des recherches précédemment menées par les maitres de l’art moderne. Le goût pour les lignes géométriques est perceptible dans son travail dès les années 1930. En effet, les portraits de paysans et les scènes quotidiennes polonaises sont dépeints avec un vérisme sensuel, dans lesquels Matuszczak intègre une composition savamment maitrisée, faite de lignes de force, de diagonales et de traits noirs appuyés. Si certains de ses paysages traduisent une sensibilité pour la beauté de la nature, l’artiste parvient néanmoins à imprégner avec force à ses œuvres le choc dont il est frappé lors des voyages des pays qu’il traverse et découvre avec toutes leurs surprises et étrangetés.  Le Soudan est de ceux-là. Cette fois-ci, la figure humaine, le sujet, et la géométrie, la composition, se juxtaposent et confèrent aux deux feuilles que nous présentons une qualité esthétique indéniable.
Si Picasso prétend avoir découvert la peinture au contact de « l’art nègre » en 1907, l’artiste polonais, à la manière d’un archéologue de l’esthétique, avec  l’esprit vif qui guidait les Romantiques au XIXe siècle, arrive à faire de la femme soudanaise un morceau d’expressionnisme troublant. Matuszczak semble se souvenir du travail de Klee, chez qui la peinture est faite de ponctuations et de rythmes. De Picasso aussi, où le mystère du cri de la captivité ou celui de la nécessaire délivrance demeurent difficiles à réunir. L’esthétique, ou plutôt l’esprit nomade parvient au peintre polonais de conjuguer, dans une nouvelle distribution de l’espace, exigu,  désir d’abstraction et celui de figurer sur la feuille la vivacité d’un sujet attrayant mais effrayant, où distance et proximité sont condensées dans une dimension physique et colorée propre au modèle. A la manière des grands artistes et reprenant la phrase de Régis Michel pour qui « l’important c’est d’enfermer », Matuszczak parvient admirablement à nous restituer en cette année 1943, et comme un écho aux cris, bruits et douleurs qui secouent au même moment l’Europe toute entière, la sonorité grouillante, sourde et troublante de cette terre africaine pourtant généreuse.